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Le
puits et la citerne vénitienne... dans la lagune ? |
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L'implantation de la ville de Venise sur la lagune a obligé
les habitants à concevoir un système particulier afin
de s'alimenter en eau potable.
Le principe de base
est la récupération de l'eau de pluie.
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Un peu d'histoire
Dans cette région, la terre ferme est habitée depuis
le passage des romains.
A la période des invasions barbares (vers les 5ème et
6ème siècle), les habitants de la terre ferme se réfugient
sur les îlots de la lagune dans le sable et la boue. Ils y construisent
des cabanes. Des troncs d’arbres (chênes et châtaigniers)
sont enfoncés dans les îlots enfin de servir d’assise
aux habitations, d’abord en bois, puis en briques, en pierre
et en marbre.
Venise, construite sur pilotis a du depuis sa création trouvé
une solution originale au problème de l’eau douce.
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Implantation de Venise par rapport
à la terre ferme - (zoom)
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Plan d'ensemble de la ville de Venise
traversée par son grand canal - (zoom)
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** Les citernes vénitiennes
Les célèbres citernes vénitiennes sont communément
et improprement appelées puits, à cause des margelles
qui les signalent. Elles sont ingénieusement conçues et
admirablement réalisées dès les origines de l'implantation
lagunaire pour recueillir et filtrer les eaux de pluie. Elles ont été
données pour modèle jusqu'à la fin du XIXème
siècle.
En 1879 Venise occupe une surface de 5 200 000 mètres carrés,
abstraction faite des grands et des petits canaux.
En année commune,
il y tombe environ 82 centimètres de pluie. La plus grande partie
de cette pluie est recueillie par 2077 citernes, dont 177 sont publiques.
Elles ont ensemble une capacité de 202 535 mètres cubes.
Le pluviomètre du séminaire patriarcal démontre
que la pluie tombe avec une abondance suffisante pour remplir les citernes
cinq fois par an, ce qui donnerait près de 24 litres d'eau à
consommer par habitant. Mais le sable dépurateur, occupant dans
la citerne à peu près le tiers de sa capacité,
les 24 litres se réduisent à 16.
Pour les construire, on creuse le sol jusqu'à environ trois mètres
de profondeur ; les infiltrations de la lagune empêchent d'aller
au delà. On donne à l'excavation la forme d'une pyramide
tronquée dont la base regarde le ciel. On maintient le terrain
environnant à l'aide d'un bâti en bon bois de chêne
ou de larix (mélèze), s'appliquant sur le sommet tronqué,
aussi bien que sur les quatre côtés de la pyramide. Sur
le bâti en bois on dispose une couche d'argile pure, bien compacte
et bien liée, dont on unit la surface avec un grand soin. L'épaisseur
de cette couche est en rapport avec les dimensions de la citerne ; dans
les plus grandes, elle n'a pas plus de 30 centimètres. Cette
épaisseur est suffisante pour résister à la pression
de l'eau qui sera en contact avec elle, et aussi pour opposer un obstacle
invincible aux racines des végétaux qui peuvent croître
dans le sol ambiant. On regarde comme très important de n'y point
laisser de cavités où l'air puisse se loger. Au fond de
l'excavation, dans l'intérieur du sommet tronqué de la
pyramide, on place une pierre circulaire creusée au milieu en
fond de chaudron, et on élève sur cette pierre un cylindre
creux du diamètre d'un puits ordinaire, construit avec des briques
sèches bien ajustées, celles du fond seulement étant
percées de trous coniques. On prolonge ce cylindre jusqu'au-dessus
du niveau du sol, en le terminant comme une margelle de puits.
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Coupe d'une citerne vénitienne
et de son puits central |
Cour d'une résidence
avec les 4 angles des cassettoni et son puits central - (zoom)
Gravure illustrant l'activité
autour d'une margelle de puits vénitien |
Il y a ainsi, entre le cylindre qui se dresse du milieu de l'excavation
pyramidale et les parois de la pyramide revêtues d'une couche
d'argile reposant sur le bâti de bois, un grand espace vide. On
remplit cet espace avec du sable de mer bien lavé, dont la surface
vient affleurer l'argile.
Avant de couvrir le tout avec le pavé, on dispose à chacun
des quatre angles de la base de la pyramide une espèce de boîte
en pierre fermée par un couvercle également en pierre
et percé de trous. Ces boîtes appelées « cassettoni
» , se lient entre elles par un petit canal, ou rigole, en briques
sèches, reposant sur le sable. Le tout est recouvert enfin par
le pavé ordinaire, qu'on incline dans le sens des quatre orifices
des angles des cassettoni.
L'eau recueillie par les toits entre par les cassettoni, pénètre
dans le sable à travers les jointures des briques des petits
canaux, et vient se rassembler, en prenant son niveau, au centre du
cylindre creux dans lequel elle s'introduit par les petits trous coniques
pratiqués au fond. Une citerne ainsi construite et bien entretenue
donne une eau limpide, fraîche, et la conserve parfaitement jusqu'à
la dernière goutte. Tout le monde peut aller puiser dans les
citernes du palais ducal, et dès le matin, c'est un spectacle
curieux que celui des porteurs d'eau (bigolante) qui vont y remplir
leurs cruches de fer-blanc, ou les descendre dans les citernes au moyen
d'une corde, quand l'eau commence à baisser par suite de puisements
réitérés. Les « bigolante » sont de
jeunes Tyroliennes qui vont à Venise faire le métier que
font à Paris les porteurs d'eau. On les voit qui parcourent les
places publiques ou les canaux, le chapeau de feutre à bords
relevés coquettement posé sur l'oreille. Elles portent
l'eau chez les pratiques, qui la leur payent, selon l'éloignement,
de six à douze centimes pour seize à dix-sept litres.
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Le transport en barques de l'eau complémentaire de "la Brenta"
Dés le XVIème
siècle il a fallu suppléer les défaillances pluviales
et les bateliers devaient donc en principe remplir les citernes en cas
de sécheresse ou d'insuffisance. Pour ce qui est de la vente aux
particuliers, qui avait l'avantage de fournir des approvisionnements plus
importants et à meilleur compte que ceux du portage à pied,
point n'est besoin de souligner la suspicion qui pouvait peser sur la
qualité de l'eau livrée par ce moyen !
Au milieu de notre siècle seulement, on a ajouté aux eaux
des citernes celles qui proviennent d'une petite rivière, la Brenta,
dérivée par un petit canal. On appelle «Seriola»
le petit canal qui a été dérivé de la Brenta
pour fournir un peu d'eau potable à Venise. Ce canal, toutefois,
n'arrive pas jusqu'à Venise ; il s'arrête à Fusine,
au-delà de la lagune, dans le quartier des Moranzani. C'est là
que les bateliers vont chercher l'eau. Mais il est écrit que tout
doit être original et bizarre dans cette étrange ville de
Venise. Les porteurs d'eau de la Seriola sont les plus singuliers porteurs
d'eau du monde. Au lieu de recevoir et de distribuer l'eau dans des cruches,
ils en remplissent tout simplement leur barque, qui renferme deux compartiments
à cet effet. Deux hommes mènent, à la rame et à
l'aviron, la barque pleine d'eau douce. Il arrive assez souvent, la barque
étant toujours à peu près remplie que, par un faux
mouvement ou par un peu d'agitation, l'eau de la lagune vient à
se mêler à l'eau douce. Les pratiques boivent alors de l'eau
quelque peu salée. S'il fait grand vent, l'eau de la lagune est
projetée en plus grande quantité dans la barque ; alors
les bateliers se décident à retourner à la Seriola
pour remplacer leur chargement. Il entre dans Venise quarante-deux barques
par jour en moyenne, chargées de l'eau de la Seriola et contenant
environ vingt mètres cubes chacune. Les bateliers la vendent au
prix de quinze centimes le mastello (50 litres à peu près). |
Photo du début du siècle
avec son activité autour du puits |
Quoique très explicite et méritant par là d'être
rapporté tel quel, ce texte appelle cependant une correction
ainsi que deux ou trois précisions nullement superflues. Tout
d'abord, la Seriola (d'un vieux mot local signifiant canal) ou Quant
aux «bigolante» , qui ne venaient pas tant du Tyrol que
du Frioul, elles devaient souvent plonger une cinquantaine de fois un
petit récipient de fer-blanc dans la citerne pour remplir leurs
deux seaux en forme de chaudrons, accrochés à un bâton
courbe du nom de « bigolo »... Enfin, il serait dommage
de ne pas ajouter, à propos des puits, un certain détail
non dépourvu d'intérêt ni de pittoresque : lorsqu'une
marée exceptionnelle, dite acqua alta, s'annonçait, on
s'empressait de boucher les trous des « cassettoni » , ou
« cassoni » pour éviter
l'indésirable intrusion de l'eau salée ; à cet
effet, les églises étaient toujours pourvues d'une certaine
quantité d'argile...
Ce système vénitien, à la vérité
merveilleux, illustrant parfaitement l'adage selon lequel nécessité
rend ingénieux, mais péchant malgré tout par faiblesse,
n'avait pas empêché l'éclosion de bon nombre de
projets d'adduction plus ambitieux.
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les projets du 19ème siècle
Un manuscrit de la fin du XVIIIème siècle, conservé
au palais Contarini par la Compagnia Générale délie
Acque, montre qu'à l'époque de la Révolution française
on avait songé fort pertinemment à établir une
conduite sublagunaire, en bois, posée sur arcades, pour amener
de l'eau de la terre ferme et la distribuer en ville par le moyen de
fontaines, la distribution dans chaque maison n'étant pas exclue...
Dans son mémoire, le dénommé Angelo Artico, «
magistrat des eaux » de son état, se plaignait déjà
de l'impure Seriola « dans laquelle on lave les draps, on nettoie
tous les ustensiles des cuisines, s'abreuvent les animaux, se rencontrent
les choses les plus répugnantes » et préférait
la rivière Sile à la rivière Brenta. Avant et après
lui, l'Espagnol Ximenez et le Français G. Grimaud, de Caux, entre
autres, ont étudié des solutions semblables, que les circonstances
politiques et le sempiternel défaut d'argent ne pouvaient que
vouer au classement sans suite.
En 1867, Venise la féerique, à peine délivrée
de l'insupportable domination autrichienne, se trouvait en fâcheuse
posture, avec un trafic portuaire devenu pitoyable, une population réduite
à 122000 âmes, 35000 miséreux à secourir,
des habitations et des rues en piteux état et un problème
d'eau potable non résolu!
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Rue typique de Venise
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Problème d'autant
plus lancinant que les citernes, devenues vétustes, ne jouaient
plus convenablement leur rôle et que les puits artésiens
préconisés par les Autrichiens n'honoraient guère
leurs promesses... Une situation aussi difficile faisait dès
lors l'obligation à la municipalité de recourir à
un concessionnaire suffisamment puissant. Si
bien qu'après plusieurs séries de pourparlers, le Maire,
comte Francesco Donà délie Rosé, conclut, en 1876,
un traité avec les sieurs Ritterbandt et Dalgaims, de Londres,
pour une durée de soixante ans devant courir à partir
de l'achèvement des travaux.
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Mais les choses n'allant pas pour le mieux en raison
de quelques anicroches intempestives, les susnommés Ritterbandt
et Dalgaims se mirent en rapport avec la Compagnie Générale
des Eaux pour l’étranger. Un accord fut signé entre
les parties le 10 avril 1879.
La nouvelle alimentation en eau de Venise venait de naître, mais
là c’est encore une autre histoire.
(extraits du livre de Liliane Franck – «
Eau à tous les étages »)
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